À l'époque où j'étais tôlière D'un p'tit bordel qu'on a fermé Je passais des journées entières À lire Baudelaire et Mallarmé Le samedi, quelques sous-maîtresses Que j'avais connues en saison Venaient m'apporter leur tendresse Et des nouvelles de leurs maisons Où sont passées les maisons closes Où je coulais des jours si doux ? J'avais alors un teint de rose Et l'on était à mes genoux Je rencontre mes pensionnaires -Pauvres enfants !- Sur le boulevard Elles travaillent en solitaires Et leur sourire fait peine à voir Je les amène prendre un verre De grenadine au bar du coin Elles me content leurs misères Hélas ! Nos beaux jours sont si loin ! Où sont passées les maisons closes Où je coulais des jours si doux ? J'avais alors un teint de rose Et l'on était à mes genoux Un ami, très riche et très tendre Qui m'adore depuis vingt ans Un jour a fini par comprendre Et m'a rendu le cœur content Au lieu de la maison douillette Où l'on venait acheter du bonheur Il veut m'offrir à La Villette Un cinéma pour amateurs Où sont passées les maisons closes Où je coulais des jours si doux ? J'avais alors un teint de rose Et chez moi, vous étiez chez vous