Comme on leur cassait les oreilles Avec les jeunes générations, Un beau jour, les vieux de la vieille Formèrent une association Bravement, ils organisèrent Le congrès des moins de cent ans Et dans les rues, ils défilèrent En acclamant leur président Nous, les jeunes, quand on a vu ça Nous en sommes tous restés babas Les quinquagénaires marchaient en rigolant Les sexagénaires marchaient en sifflotant Les septuagénaires marchaient en toussotant Et les octogénaires marchaient en crachotant Mais, plus malins que leurs confrères, Les centenaires ne marchaient pas Avec la croix et la bannière On les portait dans des voitures à bras Le président prit la parole Et dit "Messieurs, c'est très vexant ! Les jeunes gens nous prennent pour des gnoles Faut leur montrer qu'on a du cran Et puisqu'ils sont vieux avant l'âge, Pour calmer tous ces orgueilleux, Montrons-leur qu'on est à la page Et soyons jeunes, nous les vieux !" Une heure après, pleins de ressort Les vieux messieurs faisaient du sport Les quinquagénaires jouaient à saute-mouton Les sexagénaires jouaient aux petits soldats d' plomb Les septuagénaires jouaient avec un ballon Et les octogénaires jouaient du mirliton Mais, plus malins que leurs confrères, Les centenaires ne jouaient pas Car ils tétaient leurs infirmières Qui les berçaient dans des voitures à bras Pour fêter ce jour mémorable Et clôturer leur grand meeting Tous ces vieux messieurs honorables Firent les fous dans un dancing Aux jeunes gens perchés sur leurs chaises Ils montrèrent, ces vieux Gaulois C' que c'était qu' la gaité française Sous le brave Napoléon III Et les p'tites poules crièrent soudain "Les voilà, nos danseurs mondains !" Les quinquagénaires dansaient une polka Les sexagénaires dansaient la mazurka Les septuagénaires dansaient la redova Et les octogénaires dansaient la raplapla Mais, plus malins que leurs confrères, Les centenaires ne dansaient pas Y fauchaient l' fric aux vieilles rombières Et s' débinaient dans leurs voitures à bras