Il faut vivre, l'azur au-dessus comme un glaive Prêt à trancher le fil qui nous retient debout Il faut vivre partout, dans la boue et le rêve En aimant à la fois et le rêve et la boue Il faut se déplacer d'adorer ce qui passe Un film à la télé, un regard dans la cour Un coeur fragile et nu sous une carapace Une allure de fille éphémère qui court Je veux la chair joyeuse et qui lit tous les livres Du poète au polar, de la Bible à Vermot M'endormir presque à jeun et me réveiller ivre Avoir le premier geste et pas le dernier mot Étouffer d'émotion, de désir, de musique Écouter le silence où Mozart, chante encore Avoir une mémoire hypocrite, amnésique Réfractaire aux regrets, indulgente aux remords Il faut vivre, il faut peindre avec ou sans palette Et sculpter dans le marbre effrayant du destin Les ailes mortes du Moulin de la Galette La robe de mariée où s'endort la putain Il faut voir Dieu descendre une ruelle morne En sifflotant un air de rancune et d'espoir Et le diable rêver, en aiguisant ses cornes Que la lumière prend sa source dans le noir Football, amour, alcool, gloire, frissons, tendresse Je prends tout pêle-mêle et je suis bien partout Au milieu des dockers dont l'amarre est l'adresse Dans la fête tzigane et le rire bantou On n'a jamais le temps, le temps nous a, il traîne Comme un fleuve de plaine aux méandres moqueurs Mais on y trouve un lit et des chants de sirènes Et un songe accroché au pas du remorqueur Jamais ce qui éteint, jamais ce qui dégoûte Toujours, toujours, toujours, ce qui fait avancer Il faut boire ses jours, un à un, goutte à goutte Et ne trouver de l'or que pour le dépenser Qu'on s'appelle Suzanne, Henri, Serge ou que sais-je Quidam évanescent, anonyme, paumé Il faut croire au soleil en adorant la neige Et chercher le plus-que-parfait du verbe aimer Il faut vivre d'amour, d'amitié, de défaites Donner à perte d'âme, éclater de passion Pour que l'on puisse écrire à la fin de la fête Quelque chose a changé pendant que nous passions