C'est un petit air qui fait grincer les dents, Un sale refrain plein de morts et, pourtant, Pas une goutte de sang. Sans revolver ni poison, Sans scrupule et sans cadeau, C'est la petite chanson Des assassins sans couteaux. En quelques mots, lançons une rumeur, Une bien laide qui va droit au coeur. Reprenons-la tous en choeur. Jouez crincrins, sonnez crécelles. Qu'en canon frappent les maux. Cancanons la ritournelle Des assassins sans couteaux. C'est pour pas cher que la brade l'ami, Celui qui donne, celui qui trahit. Trente deniers, c'est le prix Pour l'exécution facile Des desseins les plus salauds. Chantons la cruelle idylle Des assassins sans couteaux. Cinglants reproches sur les rides au visage, Elle tombe de la bouche d'un mari volage. Indifférent au saccage, Sans pitié, vas-y, fais mal. Frappe et tue. Allez, bourreau! Fredonne le madrigal Des assassins sans couteaux. Ceux que le pouvoir enivre et corrompt, Les petits chefs, à coups d'humiliation, S'en servent sur tous les tons, Le menton plein d'arrogance, Déversant la haine à flots, Nasillent la veule romance Des assassins sans couteaux. Toi qui la connais pour l'avoir chantée Mille fois déjà sans être inquiété, Méfie-toi: le vent peut tourner, Susurrer à mots choisis Et te planter dans le dos La lugubre mélodie Des assassins sans couteaux.