Quand il me faudra mourir Quand il me faudra mourir Que l'on donne congé au brave fossoyeur. Qu'il boive du vin rosé ou de douces liqueurs. Mais qu'il laisse la clé et toutes grandes ouvertes De notre cimetière les jolies grilles ouvertes En ce jour où la mort viendra à ma rencontre Que ma femme laisse courir Les jambes de mes montres. Quand il me faudra mourir Quand il me faudra mourir Qu'on appelle l'écolier en beau tablier bleu Celui qui ne quitte pas son cerf-volant des yeux. Qu'au fond de la cuisine, ce jour, la Maria Lui donne la plus belle part du gros gâteau des rois. Qu'il s'en aille vers l'école le jour où je m'endors, Avec dans son cartable des noix et des fruits d'or. Quand il me faudra mourir Quand il me faudra mourir Que l'on dise à mon âne qu'il restera au pré Qu'il se repose enfin, qu'il mange des bleuets Que ma fille rapporte les livres de Stendhal A la bibliothèque du lycée communal. Qu'elle donne à manger au peuple des pigeons, Qu'elle jette des sous aux joueurs de violon. Quand il me faudra mourir Que ma femme, mon fils et ma dernière fille Me parlent du mois de mai et des champs de jonquilles. Et qu'avant de partir, comme partent les jongleurs Qu'ils ferment les volets, les portes de mon coeur. Quand il me faudra mourir Quand il me faudra mourir Que viennent me chercher les chevaux des poètes.