Assis sur le bord de la roche Falaise blanche et ciel tout proche Je regarde le monde en bas Je vois les routes où l'on se presse Les doigts du soleil qui caressent Les cimes des sapins là-bas Pas un souvenir, une trace D'un nuage léger dans l'espace C'est peu de dire qu'il fait beau L'après-midi serait parfaite Mais voici que vient dans ma tête Un nom lointain : Guantánamo D'ici, les gens sont dérisoires Petits leurs soucis, leur histoire Dans la brume bleue de la plaine Villages jetés dans les champs Maisons minuscules cachant Quelques bonheurs et quelques peines Et là, plongé dans la beauté Je respire la liberté Plus bas que moi, plane un oiseau A peine si le vent se plaint Dans les branches tordues des pins Et murmure : Guantánamo C'est très loin, par-delà les mers Cernée de grilles, bâtie de fer Sans loi ni droit, une prison Où des hommes sortis du temps Sont brisés, niés, sans jugement Plus d'existence et plus de nom Menottes caméra, c'est ici Sous ces blancs tropiques : la ci- -Vilisation degré zéro Quelle que soit l'horreur du forfait Chacun a droit à son procès Oui, mais pas à Guantánamo Je me rappelle, excusez-moi, Dans le brouillard, certains convois Partant de nuit vers la mort lente Qui sait comment cela revient ? La bête immonde n'est pas loin Elle est sournoise, elle est patiente Voici que le couchant rosit La paix du soir, comme l'on dit, Sur les monts pose son manteau Me reste à prendre le chemin Et puis, pour demeurer humain A pardonner Guantánamo !