Si la Garonne avait voulu, Lanturlu ! Quand elle sortit de sa source, Diriger autrement sa course, Et vers le Midi s'épancher, Qui donc eût pu l'en empêcher ? Tranchant vallon, plaine et montagne, Si la Garonne avait voulu, Lanturlu ! Elle allait arroser l'Espagne. Si la Garonne avait voulu, Lanturlu ! Pousser au Nord sa marche errante, Elle aurait coupé la Charente, Coupé la Loire aux bords fleuris, Coupé la Seine dans Paris, Et moitié verte, moitié blanche, Si la Garonne avait voulu, Lanturlu ! Elle se jetait dans la Manche. Si la Garonne avait voulu, Lanturlu ! Elle aurait pu boire la Saône, Boire le Rhin après le Rhône, De là, se dirigeant vers l'Est, Absorber le Danube à Pesth, Et puis, ivre à force de boire, Si la Garonne avait voulu, Lanturlu ! Elle aurait grossi la mer Noire. Si la Garonne avait voulu, Lanturlu ! Elle aurait pu dans sa furie, Pénétrer jusqu'en Sibérie, Passer l'Oural et le Volga, Traverser tout le Kamtchatka, Et, d'Atlas déchargeant l'épaule, Si la Garonne avait voulu, Lanturlu ! Elle aurait dégelé le pôle. Si la Garonne avait voulu, Lanturlu ! Humilier les autres fleuves. Seulement, pour faire ses preuves, Elle arrondit son petit lot : Ayant pris le Tarn et le Lot, Elle confisqua la Dordogne. La Garonne n'a pas voulu, Lanturlu ! Quitter le pays de Gascogne.